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A PROPOS DU PREMIER APPAREIL DE TELECOBALT EN SUISSE La découverte de la radioactivité artificielle par Frédéric et Irène Joliot-Curie publiée dans les «Comptes-rendus de lAcadémie des sciences» du 15 janvier 1934 ouvrit des perspectives extraordinairement nouvelles en médecine. Très tôt, à la fin de 1935, on comptait une centaine de radio-éléments artificiels, à la fin de 1939 330, en 1943 420 et plus de 1000 en 1957. En radiothérapie, à cette époque, on utilisait généralement des appareils générateurs de rayons X autour de 250 kV, ainsi que le radium pour la curiethérapie interstitielle, le radium étant utilisé dans quelques instituts (très rarement vu son coût exorbitant) pour la téléthérapie dans des appareils appelés «bombes». Ce nest quaprès les bombardements dHiroshima et de Nagasaki que les responsables politiques et scientifiques tentèrent de mettre leur expérience en commun pour lutilisation de latome au service de lhumanité. Dix ans plus tard presque jour pour jour, en août 1955, souvrit à Genève, au siège européen des Nations-Unies, la première conférence internationale sur lutilisation pacifique de lénergie atomique qui réunissait des délégués de plus de 170 nations représentées par des responsables politiques dans le domaine de lénergie ainsi quun grand nombre de sommités scientifiques, physiciens atomistes, biologistes et médecins radiologistes. En même temps, une importante exposition scientifique ouverte au public «Atom for Peace» présentait de manière spectaculaire les réalisations civiles utilisant lénergie atomique, du réacteur à lappareil de télécobalt qui était proposé comme révolutionnaire dans le domaine de la lutte contre le cancer et qui était déjà mis sur le marché par quelques firmes concurrentes dAmérique du Nord et dURSS. En 1941, au Lawrence Laboratory de Berkeley (USA), Glenn Seaborg (prix Nobel de chimie en 1951) réussit à produire le premier Co60 qui fut proposé dès 1949 comme source destinée à remplacer le radium qui était alors utilisé dans peu dhôpitaux pour la téléthérapie. Les études de faisabilité et de technique furent entreprises principalement aux USA par Grimmet et Fletcher, au Canada par H. Jones et I. Smith: elles ont finalement amené à la réalisation pratique du premier traitement dun malade au télécobalt à London, Ontario, Canada, en octobre 1951. Le Co60 était produit essentiellement à Chalk River (Canada), à Oak Ridge (USA) et à Harwell (UK); il intéressa vite les radiothérapeutes dans son emploi possible en téléthérapie par son prix beaucoup plus avantageux que celui du radium, son «skin sparing effect»: en effet la dose maximale dentrée dans les tissus se déplaçait à 6 mm sous la peau (évitant ainsi les effets cutanés de la radiothérapie conventionnelle) et contrairement au kilovoltage, on évitait de surdoser le tissu osseux de manière significative, ce qui permettait ainsi de supprimer les nécroses de los. Les tumeurs profondes nétaient plus un obstacle pour un traitement efficace en raison de son énergie. Ces avantages (et bien dautres) se trouveront aussi avec les linacs. En 1955 on comptait déjà 150 télécobalts en activité dans des cliniques ou des hôpitaux, la plupart en Amérique du Nord, un seul en France dans une clinique privée et aucun en Suisse. Genève saisit loccasion de lexposition «Atom for peace», pour acquérir une de ces nouvelles machines: elle acheta lappareil canadien Eldorado A de l «Atomic Energy of Canada limited». Installé à la Clinique Beaulieu, à proximité de lHôpital Cantonal, avec une source de 1500 curies qui fut amenée de Chalk River au début de 1956: on put traiter ainsi de 1956 à 1967 des centaines de patients de Genève et des environs, tant privés que venant de lHôpital Universitaire. Quelques mois après cette acquisition à Genève, deux autres appareils furent installés en Suisse, lun à Thoune, lautre à lHôpital Cantonal de Lucerne. Pour la préparation au traitement, lEldorado demandait un travail plus précis que celui auquel on était habitué avec la radiothérapie conventionnelle: il fallait faire des clichés de contrôle avec lappareil lorsque le malade était en position de traitement (nouveauté pour les radiothérapeutes), on ne se basait plus sur les réactions cutanées mais sur le plan de traitement, on établissait des courbes isodoses pour chaque malade. Comme on pouvait calculer facilement par des tables le débit de dose une fois que létalonnage de lappareil était fait, on évitait lusage quotidien des dosimètres. Contrairement à ce qui se passe avec les accélérateurs (bétatrons et linacs), on pouvait faire les traitements sans la collaboration permanente des physiciens dhôpitaux qui sont maintenant devenus indispensables en raison de la sophistication des appareils et de linformatique. Si Genève fut la première ville en Suisse à utiliser le télécobalt, les cliniques universitaires de radiologie de Zurich dès 1951 et de Berne dès 1952 se concentrèrent sur létude et lusage clinique du bétatron. Ils ont adopté plus tard, en sus du bétatron, la télécobalthérapie. Un bétatron ne fut installé à Genève quen 1967, en même temps quun nouvel appareil de télécobalt, le Thératron 80 qui fut remplacé en 1990. Deux linacs sont actuellement les appareils principaux. Lappareil Eldorado de Genève sest montré excellent par sa simplicité dutilisation; il ne permettait pas la cyclothérapie mais il exigeait une mise en place du patient particulièrement méticuleuse en comparaison avec ce quon faisait en radiothérapie conventionnelle: on dut étudier des méthodes pour limmobilisation parfaite du malade. La tête de lappareil avait une fermeture utilisant un circuit de mercure; cette tête de traitement était en plomb confiné dans une enveloppe dacier (pour la protection en cas dincendie). Dautres modèles exposés à Genève en 1955 avaient une tête en tungstène ou en uranium appauvri. De nos jours, les unités de télécobalt ont perdu de leur importance: le remplacement de la source pose des problèmes de prix, de disponibilité, de transport, de radioprotection maintenant que les exigences concernant la radioactivité sont plus sévères que par le passé. Les machines de loin les plus utilisées sont les linacs dont nous connaissons bien toutes les qualités et les possibilités. Cependant, il ne faut pas oublier que beaucoup de succès et de progrès en radio-oncologie ont été faits avec les anciens télécobalts, particulièrement en oncologie O.R.L.: il suffit de rappeler les travaux toujours valables de Gilbert Fletcher à Houston, Texas, dont nous avons été lélève et dont la collaboration avec notre service de Genève a été constante et étroite. La télécobalthérapie a dans bien des cas ouvert la voie à la radio-oncologie telle quon la pratique de nos jours. Bibliographie à disposition: Prof. Dr. J.-P. Paunier, 20 quai Gustave-Ador, 1207 Genève
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